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Les anti-VEGF dans le traitement des maladies rétiniennes : mise en lumière des résultats à long terme

obtenus dans le monde réel

Un rapport de la réunion annuelle 2017 de l’Association for Research in Vision and Ophthalmology
Baltimore (Maryland)   7 au 11 mai 2017
Par PETER J. KERTES, M.D., CM, FRCSC

Considérés depuis longtemps comme une évolution majeure dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), les inhibiteurs du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (anti-VEGF) continuent de donner de nombreuses preuves tangibles de leurs bénéfices pour les patients atteints de DMLA et pour l’œdème maculaire dû à plusieurs affections. Ce numéro d’Ophtalmologie – Actualités scientifiques met en lumière plusieurs affiches et présentations orales issues de la réunion annuelle 2017 de l’Association for Research in Vision and Ophthalmology qui non seulement analysent ces données du monde réel, mais donnent également de nouvelles informations sur les effets à long terme des anti-VEGF, des schémas posologiques et d’autres questions relatives à la DMLA humide.

 

Expérience dans le monde réel : Comparaisons des résultats

Kertes et ses collaborateurs ont présenté les résultats provisoires de l’étude CAN-TREAT (Canadian Treat and Extend Analysis Trial with Ranibizumab), une étude multicentrique ouverte prospective randomisée de 24 mois comparant l’efficacité du ranibizumab 0,5 mg administré selon un schéma « treat and extend » (TAE), c’est-à-dire l’allongement progressif de l’intervalle posologique, à une posologie mensuelle chez des patients naïfs de traitement atteints de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) néovasculaire[1]. Parmi les 580 patients recrutés, des données portant sur 12 et 24 mois étaient disponibles pour 488 patients (groupe TAE = 251) et pour 293 patients (groupe TAE = 148), respectivement, en date du 2 mai 2017. Dans l’ensemble, les gains d’acuité visuelle (AV) étaient similaires : + 8,3 et + 6,1 lettres au 12e mois dans les groupes recevant les schémas TAE et mensuel, respectivement, et + 6,6 lettres et + 6,4 lettres au 24e mois, respectivement, ce qui était équivalent à une marge de non-infériorité de -5 lettres de meilleure acuité visuelle corrigée (MAVC). La Figure 1 montre la modification moyenne de la MAVC aux 12e et 24e mois. Le groupe de traitement TAE a reçu en moyenne 18,3 injections comparativement à 23,5 injections dans le groupe de traitement mensuel pendant un suivi de 24 mois. Ainsi, les investigateurs ont constaté que le schéma TAE était associé à une amélioration cliniquement significative de la MAVC, malgré un moins grand nombre d’injections de ranibizumab et de visites chez les médecins comparativement au schéma posologique mensuel.

Figure 1 : CAN-TREAT : Amélioration de la meilleure acuité visuelle corrigée (MAVC) moyenne à 12 et 24 mois pour les schémas posologiques « treat-and-extend » (TAE) et mensuel du ranibizumab[1]

ETDRS = Early Treatment Diabetic Retinopathy Study 

Une comparaison des résultats relatifs à l’AV au 12e mois entre le ranibizumab et l’aflibercept a été effectuée en utilisant des données observationnelles portant sur 394 yeux atteints de DMLA néovasculaire dans le registre Fight Retinal Blindness[2]. Les yeux traités avec le ranibizumab ont gagné 3,7 lettres, alors que les yeux traités avec l’aflibercept ont gagné 4,3 lettres de la période initiale au 12e mois. Ni la différence dans la variation de l’AV brute ni dans l’AV moyenne corrigée n’étaient statistiquement significatives. De même, il n’y avait aucune différence dans le nombre moyen d’injections ou de visites ou dans la proportion corrigée d’yeux présentant une néovascularisation choroïdienne (NVC) inactive. Malgré ces similitudes, un nombre significativement plus élevé de patients ont été permutés du ranibizumab à l’aflibercept (13,7 %) comparativement à l’inverse (3,0 %; p < 0,001). Dans les deux groupes, le taux de patients ayant terminé le traitement au 12e mois était d’environ 77 %.

 

Les résultats de l’étude ASSESS à 36 mois ont été présentés. Dans cette étude, les patients traités antérieurement par le bévacizumab et/ou le ranibizumab ont reçu de l’aflibercept à dose fixe[3]. Les données portant jusqu’à 24 mois ont été publiées antérieurement[4,5]. Le changement de l’intervalle des doses fixes a entraîné un bénéfice tant sur le plan anatomique (épaisseur du sous-champ central [ESC]) que visuel (lettres d’acuité visuelle ETDRS – Early Treatment Diabetic Retinopathy Study) à 24 mois. Cependant, les investigateurs ont rapporté une réduction non significative du nombre de lettres d’acuité visuelle ETDRS (5 lettres; p = 0,18) et une augmentation non significative de l’ESC (+11,95; p = 0,18) entre les mois 24 et 36. Aucun facteur prédictif de variation de la MAVC et de l’ESC n’a été identifié et aucun événement indésirable grave n’a été rapporté au cours de la troisième année de l’étude. Des données du monde réel additionnelles sur l’aflibercept issues des études PERSEUS et RAINBOW ont été fournies[6,7]. L’objectif de l’étude PERSEUS, menée dans 66 cliniques allemandes (N = 942), était d’évaluer l’effet de l’aflibercept et des schémas thérapeutiques dans 2 sous-groupes de patients atteints de DMLA humide : patients naïfs de traitement et ceux ayant reçu un prétraitement quel qu’il soit[6]. Selon les résultats provisoires à 12 mois, l’AV moyenne dans le groupe naïf de traitement s’est améliorée de 5,3 ± 17,4 lettres, mais les patients ayant reçu un traitement préalable ont connu une légère baisse (-0,1 ± 15,6 lettres). Les investigateurs ont établi que la régularité du traitement avait un effet significatif sur l’AV. Les patients naïfs de traitement et les patients ayant reçu un traitement préalable ont bénéficié d’une augmentation de l’AV de 30,9 % et de 10,9 %, respectivement, lorsque le traitement était administré régulièrement, alors que la modification de l’AV était de 18,7 % et -2,3 %, respectivement, avec un traitement administré irrégulièrement. Selon une comparaison effectuée par Framme et ses collaborateurs des études PERSEUS et RAINBOW, dans lesquelles les patients avaient des caractéristiques quasi-identiques, 27,7 % et 25,2 % des patients ayant participé à ces études, incluant 32,0 % et 28,9 % respectivement de patients recevant la posologie habituelle, ont obtenu une augmentation globale de plus de 15 lettres avec le traitement par l’aflibercept[7].

 

Le registre français ELOUAN 2 a fourni des renseignements issus de la vie réelle chez une population de sujets âgés (N = 109; âge moyen 78,4 ans) traités par le ranibizumab au besoin (PRN) pendant 5 ans.[8] Les investigateurs ont constaté que la vision de ces patients s’était améliorée initialement de 4,2 ± 15,2 lettres (p = 0,03), mais avait par la suite baissé jusqu’à la fin du suivi de 60 mois, date à laquelle la variation moyenne de l’AV était de -25,7 lettres[8]. Le nombre moyen de visites de contrôle et d’injections a également continué de diminuer jusqu’au 48e mois. Cependant, le United Kingdom (UK) Aflibercept Users Group suggère que même les patients très âgés (> 90 ans) peuvent bénéficier du traitement par un inhibiteur du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (anti-VEGF)9. Dans leur étude, l’amélioration moyenne de la vision de la période initiale à 52 semaines était de +4,5 lettres dans le groupe A (≥ 90 ans; n = 8588) et de + 4,1 lettres dans le groupe B (≥ 91 ans; n = 739). Le pourcentage d’yeux gagnant > 15 lettres était similaire : 19,2 % dans le groupe A et 17,6 % dans le groupe B durant l’année 1, augmentant à 20,5 % et 23,1 % durant l’année 2, respectivement. La proportion d’yeux perdant ≥ 15 lettres de la période initiale à l’année 1 et l’année 2 était de 7,7 % et 13,0 %, respectivement, pour le groupe A et de 6,1 % et 14 %, respectivement, pour le groupe B.

 

OCEAN, une autre étude observationnelle allemande réalisée dans le monde réel, a évalué l’impact et l’utilisation de la tomographie par cohérence optique (TCO) pour orienter la reprise du traitement dans la DMLA humide parmi 3631 patients atteints de DMLA humide recevant du ranibizumab 0,5 mg[10]. Le nombre moyen d’injections à 12 mois était de 4,5 et 3,8 clichés de TCO ont été réalisés. À 24 mois, 5,7 injections avaient été administrées et 5,9 examens TCO avaient été réalisés. La MAVC moyenne et la variation de la MAVC au 12e mois ­s’étaient maintenues pendant 24 mois. Les investigateurs ont constaté une tendance à une plus grande amélioration de l’AV et à une fréquence accrue d’examens de TCO.

 

Résultats à long terme de l’utilisation des anti-VEGF
utilisés pour la DMLA néovasculaire

Deux études regroupant des patients de l’étude CATT (Comparison of Age-related Macular Degeneration Treatments Trial) ont évalué l’impact à long terme des anti-VEGF et les facteurs potentiels de ces résultats. Martin et ses collaborateurs ont rapporté des données de suivi sur 5 ans pour 647 sujets, dont 7,1 % étaient classés comme ayant « une bonne acuité visuelle (AV) / absence de traitement », définie comme une AV médiane de 20/25 à la 5e année[11]. Les investigateurs ont identifié plusieurs facteurs de base associés à une probabilité plus élevée de cette classification, incluant le jeune âge, une amélioration de l’AV de l’œil à l’étude, une fluorescence bloquée associée à une lésion NVC, l’absence de DMLA tardive dans l’autre œil et aucun signe en TCO de décollement de l’épithélium pigmentaire rétinien (EPR). Entre les années 2 et 5, on a noté une perte globale de 11 lettres d’AV pour toute la cohorte. Une autre analyse multivariée des données de l’étude CATT a permis d’identifier des facteurs qui étaient des prédicteurs significatifs de l’AV à 5 ans[12]. Une moins bonne AV initialement était significativement associée à une moins bonne AV finale, à un gain accru d’AV, à un pourcentage plus élevé de gain ≥ 3 lignes et à un pourcentage plus élevé d’AV ≤ 20/200 à 5 ans (p < 0,001 pour tous; Tableau 1). Le sexe féminin, le traitement par le bévacizumab durant les 2 premières années et l’absence de décollement de l’EPR étaient associés à un pourcentage plus élevé de gain ≥ 3 lignes et le tabagisme était associé à un pourcentage plus élevé d’AV ≤ 20/200.

Tableau 1 : Analyse multivariée pour les prédicteurs du score d’AV et de la variation de l’AV de la période initiale à 5 ans[12] 

É-T = écart-type; NVC = néovascularisation choroïdienne

Une analyse à long terme de la réponse à l’aflibercept de 722 yeux naïfs de traitement initialement effectuée par le UK Aflibercept Users Group a révélé que 34,1 % avaient terminé le suivi de 3 ans[13]. Parmi cette cohorte, le pourcentage de patients obtenant > 70 lettres s’est amélioré de 18,5 % initialement à 32 % à la 3e année et 26 % ont gagné ≥ 15 lettres. Cependant, le pourcentage de patients ayant perdu ≥ 15 lettres a augmenté pendant la même période : 4,5 % l’année 1, 11,5 % l’année 2 et 14,7 % l’année 3. Le nombre moyen d’injections a également diminué, de 6,9 l’année 1 à 4,1 l’année 2 et 4,0 l’année 3.

 

Schémas posologiques

Le débat persiste sur le schéma posologique du traitement anti-VEGF le plus efficace : schéma mensuel ou TAE? Une méta-analyse de 4 études sur le schéma TAE (LUCAS, TREX-AMD, Abedi et coll, Oubraham et coll), de 5 études sur le schéma mensuel (ANCHOR, MARINA, CATT, IVAN, VIEW), de 2 études sur le schéma trimestriel (PIER, EXCITE) et de 6 études sur le schéma PRN (PRONTO, SAILOR, SUSTAIN, HARBOR, CATT, IVAN) a conclu que le schéma TAE était associé au gain moyen de lettres le plus élevé à 12 mois (9,4 vs 8,7 pour les injections mensuelles, 6,2 pour le schéma PRN et 1,8 pour le schéma trimestriel) et à une moyenne de 3,1 injections de moins qu’avec le schéma mensuel (Figure 2)[14].

Figure 2 : Lettres gagnées à 12 mois par schéma posologique de l’inhibiteur du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (anti-VEGF)[14]

La non-infériorité du schéma TAE par rapport aux injections mensuelles a également été établie dans l’étude TREND de phase IIIb, qui comparait le schéma TAE avec la posologie mensuelle du ranibizumab 0,5 mg chez 650 patients naïfs de traitement âgés ≥ 50 ans[15]. Au cours de la période de 12 mois, la variation de la MAVC était de +6,2 lettres pour le schéma TAE et de +8,1 lettres pour le schéma mensuel (Figure 3). Le schéma TAE était associé à environ 2,5 injections de moins que le schéma mensuel. Une étude clinique rétrospective, observationnelle a évalué des patients naïfs de traitement qui ont reçu de l’aflibercept par voie intravitréenne selon un schéma TAE modifié (n=37), selon lequel les patients sont traités jusqu’à la disparition de l’activité exsudative et ils sont ensuite sous observation jusqu’à récidive, ou selon un schéma PRN (n=39)[16]. Dans le groupe recevant un schéma TAE modifié, la MAVC moyenne s’était significativement améliorée à 24 mois comparativement à la valeur initiale, et s’était maintenue (perte < 0,3 LogMAR) chez 91,9 % des patients pendant 24 mois. Dans le groupe recevant un schéma PRN, la MAVC moyenne s’était significativement améliorée à 6 mois et avait ensuite baissé à 12 et 24 mois. Cependant, la MAVC s’était maintenue à 24 mois chez 89,8 % des patients. L’épaisseur rétinienne centrale et l’épaisseur choroïdienne centrale (ERC et ECC) ont significativement diminué du 3e mois au 24e mois comparativement aux valeurs initiales. Mitchell et ses collaborateurs ont comparé les résultats du groupe recevant le schéma TAE dans l’étude TREND (n=323) avec ceux d’une cohorte australienne atteinte de DMLA humide (N=227) issue de l’étude LUMINOUS en cours qui avait reçu le ranibizumab selon un schéma TAE dans un contexte de monde réel[17]. Les gains moyens d’AV après 12 mois étaient de 6,6 et de 5,3 lettres ETDRS, avec une moyenne de 8,7 et de 7,9 injections de ranibizumab, dans les cohortes des études TREND et LUMINOUS, respectivement. Une bonne vision (≥ 73 lettres, AV 20/40) a été obtenue dans 45,0 % des patients de l’étude TREND et 32,3 % de l’étude LUMINOUS. Les auteurs ont noté que leur analyse sur 3 ans des données de l’étude LUMINOUS « confirmait la généralisabilité des résultats de l’étude clinique TREND. »

Figure 3 : TREND : Variation moyenne de la MAVC de la période initiale à la fin de l’étude[15] 

Une autre analyse du UK Aflibercept Users Group a révélé qu’une intervention précoce avec une thérapie plus intensive peut produire de meilleurs résultats si une surveillance étroite et une reprise du traitement sont effectuées régulièrement[18]. Les investigateurs ont évalué les patients recevant ≥ 9 injections d’aflibercept durant les 56 premières semaines de traitement. L’AV moyenne à la semaine 104 était de 62,3 ± 17,2 lettres, un gain de 6 lettres par rapport à la valeur initiale. Le nombre moyen d’injections durant l’année 2 était de 6,7 (valeurs limites : 0-12), 26,8 % des yeux recevant ≤ 5 injections. Lors de la visite durant l’année 2, un gain d’AV par rapport à la valeur initiale de ≥ 15 lettres a été observé pour 28,4 % de tous yeux, 3,4 % ont perdu ≥ 15 lettres par rapport à la valeur initiale et 44,4 % des yeux ont obtenu ≥ 70 lettres.

 

Il est possible que les patients insuffisamment traités obtiennent de moins bons résultats en termes d’AV que les patients qui reçoivent un traitement à intervalles fixes, selon une analyse unicentrique de patients naïfs de traitement qui ont reçu l’aflibercept pendant au moins un an.[19] Les investigateurs ont comparé les variations de l’AV entre les patients traités par < 8 injections et par ≥ 8 injections d’aflibercept durant la première année (n = 22 et 20, respectivement).

 

Au sein du groupe, la variation de l’AV au 12e mois était significative pour les yeux recevant ≥ 8 injections (+6,0 lettres; p = 0,026), mais elle ne l’était pas pour les yeux recevant < 8 injections (+2,7 lettres; p = 0,196). Les résultats dans cette étude étaient similaires à ceux des études VIEW 1 et 2[20,21]. Babalola et ses collaborateurs ont présenté une étude comparant une posologie à dose fixe vs PRN avec l’aflibercept pour 100 yeux consécutifs naïfs de traitement[22]. Durant la première année, un traitement à dose fixe a été adopté avec 3 doses d’attaque mensuelles et un schéma bimensuel par la suite. Durant la 2e année et ultérieurement, un schéma PRN a été suivi. Au cours d’un suivi moyen de 142,9 semaines, le nombre moyen d’injections était de 11 (valeurs limites : 7-22). Le pourcentage de patients ayant obtenu un gain > 15 lettres de la période initiale à l’année 1 était de 20 %, mais il est tombé à 7 % de l’année 1 à la date du dernier suivi. Le pourcentage de patients ayant subi une perte de > 15 lettres de la période initiale à l’année 1 était de 8 % et a augmenté à 21 % de l’année 1 à la date du dernier suivi. Le même groupe a évalué la variation de l’épaisseur maculaire centrale (EMC) chez des patients âgés < 60 ans présentant une membrane NVC (MNVC) due à une DMLA, une MNVC associée à une myopie et une MNVC secondaire[23]. Les variations moyennes de l’AV de la période initiale à la date du dernier suivi étaient de 61 à 62,1 lettres (MNVC liée à la DMLA), de 62,8 à 60 lettres (CNVM associée à la myopie) et de 69 à 60 lettres (MNVC secondaire). En moyenne, les patients ont reçu 8,5 injections. On a noté une réduction significative de l’EMC, d’une valeur initiale de 427 µm à 339 µm lors du dernier suivi. Dans plus du tiers (37,9 %) des cas, la MNVC était asséchée lors du dernier suivi.

 

Rahimy a rapporté une analyse de sous-groupes de patients recrutés dans l’étude VIEW20 qui ne recevaient des injections qu’à des intervalles de ≥ 12 semaines comparativement aux patients qui recevaient au moins une injection à un intervalle de < 12 semaines[24]. Les gains moyens de MAVC obtenus à la semaine 52 dans les deux sous-groupes étaient largement maintenus (Tableau 2).

Tableau 2 : Gains moyens d’AV par rapport à la période initiale[24] 

Rq4 = 0,5 mg de ranibizumab toutes les 4 semaines; 2q4sem = 2 mg d’aflibercept toutes les 4 semaines; 2q8sem = 2 mg d’aflibercept toutes les 8 semaines après 3 injections mensuelles; q12sem = toutes les 12 semaines

Analyse pharmaco-économique

Deux articles complémentaires ont analysé ­rétro­spectivement des données issues de dossiers médicaux ­électroniques sur 100 yeux naïfs de traitement, afin de déterminer le coût-efficacité des traitements anti-VEGF. Almuhtaseb et ses collaborateurs[25] ont fait un rapport sur deux groupes : le groupe A (n = 51) a reçu de l’aflibercept q8sem conformément au protocole modifié de l’étude VIEW[20], le groupe B (n = 49) a reçu du ranibizumab selon un schéma TAE. Le groupe A a obtenu une amélioration de 7,5 lettres (p = 0,0010), le groupe B une amélioration de 8,3 lettres (p < 0,0001). Le nombre moyen d’injections était de 7 dans le groupe A et de 7,75 dans le groupe B (p < 0,0001). Trois et 5,75 visites supplémentaires à la clinique, respectivement, ont été effectuées, hormis les visites pour les injections (p = 0,0001). Le coût moyen total par patient par année était de 6 919 £ (11 604 $CAD) pour l’aflibercept et 7 395 £ (12 402 $CAD) pour le ranibizumab. Dans l’autre étude, Michaels et ses collaborateurs26 ont fait un rapport sur les yeux qui avaient  été  classés comme atteints de DMLA sèche inactive ou de DMLA humide active après la 1re année et qui avaient été assignés à l’un des 4 schémas thérapeutiques pendant la 2e année. Le groupe A (n = 30, macula humide) a reçu des injections intravitréennes q8sem avec seulement 2 visites de suivi aux 17e et 23e mois. Le groupe macula sèche a reçu l’aflibercept selon deux schémas : injections à des intervalles de 12 semaines conjointement à des examens de TCO bimensuels (groupe B ; n = 25) ou selon un schéma TAE (groupe C, n = 23). Dans un sous-groupe séparé de macula humide, l’aflibercept a été administré à une plus grande fréquence q6sem/q4sem durant la 2e année (groupe D, n = 27). L’AV et l’ERC initiales étaient comparables entre les groupes A-C, et l’amélioration logMAR entre les 3 groupes était comparable à la fin de la 1re année : 0,45, 0,54 et 0,50 (correspondant à +9, +6, +7 lettres), respectivement. Dans le groupe D, on n’a noté aucun changement significatif dans l’AV ou l’ERC. La diminution de l’intervalle entre les injections d’aflibercept (toutes les 6 semaines) n’était pas corrélée à de meilleurs résultats cliniques.

 

Pression intraoculaire (PIO)

On craint que les injections d’anti-VEGF à long terme puissent modifier la PIO. Atchinson et ses collaborateurs ont évalué les données portant sur 23 873 patients dans le Registre IRIS présentant une DMLA, un œdème maculaire diabétique (OMD) ou une occlusion d’une branche veineuse rétinienne ou de la veine centrale de la rétine (OBVR/OVCR) avec un œdème rétinien qui ont reçu ≥ 1 injection d’anti-VEGF durant la période de l’étude de 3 ans[27]. L’âge moyen des patients était de 76 ans et le suivi moyen était de 681 jours. Parmi toute la population à l’étude, des sous-groupes incluaient (sans s’y limiter) ceux atteints de DMLA uniquement ainsi que des patients qui avaient été naïfs de traitement pendant ≥ 1 an avant le début de l’étude (« nouveaux »). Dans tous les sous-groupes, la PIO avait changé, ce changement était plus prononcé chez ceux recevant le bévacizumab, bien que les différences entre les groupes aient été faibles, ce qui indique qu’il n’y avait pas de différence cliniquement significative entre les traitements anti-VEGF.

 

Une analyse secondaire des données de l’étude CATT[28,29] suggère que les médicaments qui réduisent la PIO en diminuant la production de liquide dans l’œil pourraient aider à améliorer les résultats chez les patients atteints de DMLA humide traités par des injections d’anti-VEGF. Hsu et ses collaborateurs ont analysé les patients de l’étude CATT qui étaient également sous analogue de la prostaglandine (groupe A, n = 28), sous bêta-bloquant topique (groupe B, n = 19) ou qui ne recevaient aucun médicament réduisant la PIO (groupe C, n = 857). Le groupe excluait les patients recevant plusieurs médicaments contre le glaucome ou ceux recevant des
á-agonistes uniquement. Les gains de lettres à 2 ans étaient de 3,5 pour le groupe A, de 13,8 pour le groupe B et de 6,3 pour le groupe C. La différence dans les gains de lettres entre les groupes B et C approchait le seuil de la signification statistique (p = 0,052). Lorsque le groupe B était apparié aux témoins selon un ratio de 1 : 1, la variation moyenne de l’AV était de 13,8 lettres dans le groupe B vs + 1,9 lettre chez les témoins appariés (p = 0,04), la variation moyenne de l’épaisseur rétinienne était de -106 µm vs -44 µm (p = 0,33) et la variation moyenne de l’épaisseur rétinienne totale était de -251 µm vs -228 µm (p = 0,38). Les traitements de suppression aqueuse « peuvent avoir une influence » l’épaisseur de la rétine et l’AV chez les patients atteints de DMLA, mais le Dr Hsu recommande de faire preuve de prudence concernant ces résultats en précisant que le Wills Eye Hospital, Philadelphie, réalise actuellement une étude prospective randomisée sur l’ajout de l’association dorzolamide-timolol topique chez des patients recevant un traitement anti-VEGF pour la DMLA.

 

Conclusion

L’efficacité et l’innocuité des anti-VEGF dans la prise en charge des patients atteints de DMLA et d’autres affections causant un œdème maculaire qui ont été démontrées dans des études cliniques sont de plus en plus mises en évidence par de nouvelles données du monde réel et à long terme. D’autres études nous permettent de mieux comprendre les facteurs qui contribuent à l’aggravation de la maladie et des données montrent que l’utilisation de schémas posologiques réduisant le nombre d’injections n’entraîne pas de perte d’efficacité significative.

 

Le Dr Kertes est professeur au Département d’ophtalmologie et des sciences de la vision à l’Université de Toronto et ophtalmologiste en chef au Sunnybrook Health Sciences Center à Toronto, Ontario.

 

Références :

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  5. Singh RP, Srivastava S, Ehlers JP, et coll. A single-arm, investigator-initiated study of the efficacy, safety, and tolerability of intravitreal aflibercept injection in subjects with exudative age-related macular degeneration previously treated with ranibizumab or bevacizumab (ASSESS study): 12-month analysis. Clin Ophthalmol. 2015;9:1759-1766.

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Le Dr Kertes a reçu des subventions de recherche d’ Allergan, ­Novartis, Regeneron, Bayer, Janssen, Roche et Allergan, et il a reçu des honoraires de Bausch + Lomb, Novartis, Bayer et Allergan. Il est consultant pour Novartis et Bayer et possède des parts dans la société ArcticDx. Le Dr Kertes désire remercier Michelle Dalton, ELS, pour son aide rédactionnelle dans la préparation de ce manuscrit.

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